JURISTES EN EXPERTISE-COMPTABLE : « FUYEZ LE RENDEMENT VISEZ LA RENTABILITÉ »

Notre expérience du #recrutement des métiers du droit nous expose souvent à constater que les juristes-conseil qui exercent en cabinet d’expertise-comptable veulent fuir les cabinets qui leur demandent de la rentabilité.

Mais il y a une réelle confusion syntaxique et probablement une incompréhension de part et d’autre qui conduit beaucoup de cabinets d’expertise-comptable à faire de leur service juridique une annexe d’exécution à Dieu l’Expert-Comptable…

Formule évidemment provocatrice mais les torts sont partagés. Et les raisons mal comprises.

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J’ai récemment eu affaire à une jeune juriste en droit des sociétés qui m’exprime son souhait de ne plus travailler en cabinet d’expertise-comptable car elle fuit la logique de rentabilité. Je me permets alors de lui signifier que sans rentabilité, son poste ne pourrait pas exister. On ne propose pas de lignes de conseil, quelque soit notre expertise si la rentabilité n’est pas au rendez-vous. Je lui propose alors une distinction sémantique : « Fuyez le rendement, visez la rentabilité ».  

‎La rentabilité, c’est se concentrer sur la valeur ajoutée générée par le travail. Pour un juriste, cela va le conduire naturellement à devoir être en position de prodiguer du conseil incluant une vision fiscale par exemple, c’est comprendre les contraintes liées à l’activité (réglementée ?) et/ou les objectifs du dirigeant pour proposer des schémas capitalistiques adaptés.

Le rendement, c’est se concentrer sur le volume et la quantité de travail. L’Expert-Comptable voit son client, il lui propose un schéma, un montage et arrive dans le bureau du juriste pour lui demander de rédiger les actes et de faire les formalités. Et parfois, cette organisation dominante use les équipes de juristes. C’est le cas de notre jeune juriste en droit des sociétés.

‎C’est donc bien la culture du rendement, culture encore présente dans l’ADN de nombreux cabinets d’expertise-comptable, qui effraie ou dégoûte les juristes.

Attention, tous les cabinets ne sont pas faits du même bois et comment leur jeter la pierre lorsque vous êtes en période fiscale et que les obligations réglementaires obligent à tenir cette cadence infernale des bilans, des AG et des approbations ? Ça OK, et j’invite les juristes à le comprendre aussi.

Mais les juristes, lorsqu’ils le peuvent, doivent être force de proposition :

  • Inviter sa hiérarchie à valoriser le conseil.
  • Inviter les Experts-Comptables à vous associer aux dossiers les plus techniques.
  • Ne pas hésiter à contredire (gentiment) l’Expert-Comptable et à le challenger.

‎Non la SARL n’est pas le Graal de la constitution de TPE ! Non la SCI à l’IS n’est pas la solution ultime (à l’IR non plus d’ailleurs). Non, un pacte d’associé n’est pas un gros mot… Et c’est au juriste d’aller sur le terrain occupé historiquement par l’Expert-Comptable pour lui apporter sa subtilité juridique.

Les services annexes proposés par les cabinets d’expertise-comptable, j’entends par là l’ensemble des missions de conseil qui sortent du cadre des obligations légales, sont la principale source de marge et de rentabilité.

La rentabilité, axée autour de la notion de conseil et de service adapté au besoin du client, est donc pour les juristes un gage de richesse intellectuelle et d’environnement professionnel stimulant.

Cette rentabilité est pour les Experts-Comptables une occasion d’apporter un conseil précieux aux clients et une garantie supplémentaire de sécuriser et fidéliser les collaborateurs juristes.

‎Alors comment détecter, au moment de l’entretien d’embauche, que le poste va être orienté rentabilité et non pas rendement ? Voici quelques exemples de questions :‎

  • Quelle est la proportion entre opérations récurrentes et opérations exceptionnelles ?
  • Quelle est la proportion du secrétariat juridique dans le poste ? L’équipe est-elle composée de juristes et d’assistants ou secrétaires juridiques ?
  • Ai-je contact avec les clients ? Sur quel type de questions juridiques l’Expert-Comptable sollicite-t-il mon expertise ?
  • Combien de sociétés en approbation composent mon portefeuille (au-delà de 300 / 400, commencez à vous inquiéter mais il faut en creuser la constitution) ?
  • Combien d’opérations réellement exceptionnelles sont réalisées par an ?
  • Quelle typologie d’entreprises compose la clientèle du cabinet ?
  • Quelle est la rémunération proposée ? Et oui, moins on vous payera, moins on considérera que votre travail a une place de valeur.

Nombreux sont les cabinets d’expertise-comptable qui offrent une qualité de service de très bon niveau et qui placent le conseil au cœur de leur stratégie, y compris le conseil juridique et fiscal. Il y a encore trop de juristes qui souhaitent quitter l’expertise-comptable, jetant ainsi le bébé avec l’eau du bain.

Il faut avoir conscience qu’en étant juriste, on ne passera pas son temps à conseiller des clients et à leur proposer des schémas juridiques ou de l’ingénierie. C’est plutôt le métier des avocats. Comme dans beaucoup de métiers, il y a un volant d’activités périphériques qui peuvent être rébarbatives. C’est au juriste d’évaluer quel ratio il peut accepter. Et ce ratio évoluera en même temps que la carrière et l’acquisition de nouvelles compétences techniques en droit des sociétés.

Et attention aux idées reçues : le cabinet d’avocat ou l’entreprise pourraient bien vous exposer aux mêmes inconvénients et à d’autres avantages. Il est important d’identifier quel est le meilleur environnement de travail selon vos compétences, vos envies et votre projet professionnel.

Alors, Juristes, je le répète : fuyez le rendement, pas la rentabilité…

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