AVOCATS ! S’ASSOCIER : BONNE OU MAUVAISE IDEE ?

Il est temps de vous associer ! Vraiment ? 

Dans un cabinet d’avocats, un associé est un véritable chef d’entreprise ou de business unit. Il va se charger de diriger le cabinet et/ou d’assurer l’organisation du travail. Un avocat associé excelle dans ses compétences juridiques mais aussi managériales. Être avocat associé, c’est diriger une équipe.  

Notre pratique du recrutement au sein des cabinets d’avocats, et du secteur des métiers du Droit plus généralement, nous confronte régulièrement à la question de l’association que se posent de nombreux avocats ; collaborateurs ou salariés. Et nous ne parlerons que des affairistes, les judiciaires n’étant pas dans notre champ d’intervention. 

Nous parlerons également que de ce que nous constatons dans l’Ouest – Pays de Loire & Bretagne – et certaines autres régions comparables comme la Normandie ou les Hauts-de-France ; territoires sur lesquels nous intervenons également. 

La question de l’association est comme TOUTES les questions relatives à ces virages professionnels que nous sommes nombreux à envisager un jour : pour y répondre, il faut intégrer quelques facteurs-clés. Ainsi la réponse ne sera pas : « oui ou non dois-je envisager l’association » mais « comment y parvenir », « quelles seront les implications pour ma trajectoire professionnelle et accessoirement ma vie privée ?” 

Mais tout d’abord, présentons les 2 protagonistes principaux de notre exposé. 

Le cabinet = le cabinet d’avocats qui cherche à étoffer l’équipe d’associés. 

Vous = le collaborateur senior (encore désigné comme Responsable de mission, Manager, Directeur, Counsel) 

1. Pourquoi chercher à associer ? Point de vue du cabinet

Les cabinets composés d’associés qui cherchent à intégrer un nouvel associé peuvent avoir plusieurs motivations : 

  • Fidéliser un collaborateur après un parcours de progression managériale à traduire en termes capitalistiques. C’est le système des Big et d’autres grands cabinets. Vous avez développé une expertise prisée, un volume de facturation, une équipe vous a progressivement été rattachée, etc. Il est donc naturel pour votre cabinet de récompenser ce parcours et de chercher à vous faire rester.  
  • Sécuriser un portefeuille client qui vous serait rattaché intuitu personae. C’est une dynamique courante dans les cabinets intermédiaires mais aussi les big qui ne font pas de l’association un simple levier RH, mais aussi business. 
  • Développer la surface globale de la clientèle du cabinet par intégration d’un portefeuille externe qui viendrait avec vous (cas du changement de cabinet). 
  • Renforcer un département en surcharge, ce qui est souvent le cas en Corporate/M&A actuellement. Vous présentez une expertise qui, même sans apport de clientèle, peut intéresser un cabinet qui croule sous les dossiers. Vous venez avec votre expertise, éventuellement avec quelques clients afin de justifier votre association. C’est là un projet d’association par opportunité de marché avec levier d’attractivité et un parcours d’association ficelé à moyen terme. 

Chacune de ces motivations, et on peut en retrouver plusieurs simultanément dans chaque projet d’intégration d’un futur associé, a des implications financières dont l’impact est à prendre en compte pour vous, futur associé. En effet, vous aussi avez des motivations qu’il convient d’analyser. 

2. Pourquoi chercher à s’associer ? Point de vue du collaborateur confirmé (vous)

Vous souhaitez aller vers l’association, alors vous devez considérer : 

• Votre capacité à financer un éventuel ticket d’entrée

Le coût du ticket d’entrée cache plusieurs postes à analyser : le coût de l’entrée au capital, le coût récurrent des charges du cabinet, le retour sur investissement. 

L’entrée au capital engage un coût très variable d’un cabinet à un autre : Selon la structure juridique du cabinet, sa taille et sa culture RH. Selon que l’on achète des parts d’une société d’avocats ou que l’on achète une clientèle (ou parfois les deux), les conséquences ne sont pas les mêmes. 

Le coût des charges du cabinet est à prendre en compte évidemment. C’est le coût caché qui succède au ticket d’entrée. Vous ne ressentirez pas ces coûts si vous entrez au capital d’une firme mais dans bien des cas… Certains cabinets misent sur le prestige des locaux, sur une organisation pyramidale impliquant la présence d’assistant(e)s, de juristes, de collaborateurs juniors, de nombreux abonnements, etc. Tout cela a un coût, restez donc vigilant. 

Cas particulier : si vous êtes collaborateur salarié expérimenté et que vous pensez à vous lancer dans une association en dehors de votre cabinet actuel, pensez à la rupture conventionnelle et à la possibilité de bénéficier d’un dispositif ACRE… 

NB : le ticket d’entrée peut toujours se négocier. 

• Le volant de clientèle susceptible de vous suivre

Vous développez une clientèle personnelle propre à vous permettre de rompre l’inertie de départ en cas d’association, c’est peut-être le moment de l’envisager… Gardez également à l’esprit que certains clients de votre cabinet actuel pourraient bien être attachés à vous plus que ce que vous ne pensez. Une relation qui pourrait bien se poursuivre avec vous après votre nouvelle association.  

La proportion de clientèle susceptible de vous suivre ou de vous solliciter va dépendre également de votre expertise. Ex : si vous êtes un spécialiste de la PI et que vous exercez dans un cabinet spécialisé également en PI, il y a des chances que la clientèle soit captive du cabinet et ne vous suive que dans une toute petite mesure. En revanche, une spécialisation en fiscal ou M&A exercée dans un cabinet affairiste généraliste (firme ou petit cabinet) peut vous permettre d’envisager une migration plus facile de la clientèle. 

Attention ! Dans tous les cas, vous êtes soumis au code de déontologie entre avocats. Ne pas solliciter la clientèle du cabinet qui vous accueille en collaboration libérale est un fondamental. Mais le client est libre de choisir son conseil…Si vous êtes collaborateur salarié, la question est souvent tranchée dans le contrat de travail. 

• Votre potentiel et votre goût pour le développement

Vous êtes de tous les réseaux, vous savez entretenir un carnet d’adresse de prescripteurs, solliciter les disciplines complémentaires pour générer des leads, vous avez développé un talent technique sur une niche (conseil aux sportifs et clubs, agricole, e.g.) ? Vous avez peut-être une fibre pour le développement, cette capacité à alimenter un rayonnement naturel qui finit par attirer des prospects et les transformer en clients. 

Mais comment évaluer le potentiel CA ? C’est un exercice difficile qui doit être pris dans l’autre sens : Quel CA voulez-vous réaliser ? Quelles sont les actions à mettre en place pour l’atteindre (nombre de nouveaux clients, quel secteur, quels réseaux pour les approcher, de quels délais je dispose, quels sont les cycles de facturation selon la typologie visée, etc.) ? La stratégie identifiée est-elle réaliste ? Réalisable ? 

• La projection chiffrée de votre association à venir (clientèle perso + dossiers du cabinet + potentiel marché)

Quel niveau de production pouvez-vous anticiper en acceptant telle ou telle association ? Il faut être à peu près bon en addition : Quel CA pouvez-vous directement porter ? Combien le développement doit ou peut vous rapporter ? Quel volume le nouveau cabinet va pouvoir vous affecter ? 

Il faudra en déduire les temps de développement et les temps de production et faire bouger le curseur en fonction des potentiels de facturation des 3 sources (l’« acquis », le « à développer », le « donné »).   

• Votre souhait de participer à la gouvernance du cabinet qui vous associera

C’est une réelle question que peu se posent. Être associé chez un Big ou un cabinet local composé d’un nombre relativement restreint d’associés vous donnera-t-il le même poids dans la dynamique de la gouvernance ? Evidemment…non. 

Dans le premier scénario, vous serez un manager qui aura une zone d’influence délimitée et un champ d’action opérationnel et non stratégique. 

Pour le second, vous serez un associé avec une implication directe dans les arbitrages et les décisions stratégiques et de gestion du cabinet. 

Dans le premier cas, votre rôle sera déterminé par les règles de l’organisation. Pour l’autre, vous porterez directement le risque avec vos associés et proportionnellement à votre participation au capital ou selon les règles définies au pacte d’associés. 

Entre ces deux extrêmes, il existe un nombre infini de configurations. C’est votre analyse de la situation qui vous permettra de placer le curseur. 

Dans tous les cas le rôle de l’associé est celui d’un manager. Quel manager souhaitez-vous être ? 

• L’ensemble de vos contraintes personnelles

Passer au statut d’associé n’est pas sans conséquences sur votre vie : la famille, le patrimoine, la santé peuvent être fragilisés ou renforcés par ce nouvel engagement.  

En général, plus vous êtes loin de votre cible (par exemple un projet d’association dans une autre région, au sein d’un cabinet différent de ce que vous avez connu jusqu’ici, sans clientèle, etc.), plus vous ressentirez l’impact de ce changement de statut et plus cela sera coûteux. Et bien sûr ce n’est pas qu’une question de finances… 

Afin de sécuriser la démarche de l’association par les deux parties, il est fréquent de constater la mise en place d’un parcours, souvent conditionné à l’atteinte d’objectifs financiers et commerciaux.

3. L’association est-elle faite pour vous ?

Vous devez avoir une vision claire de ce qui est attendu par le cabinet qui va vous accueillir comme associé. C’est probablement plus facile lorsque ce cabinet est celui dans lequel vous exercez actuellement. 

Quel est le parcours conduisant à l’association ? Quel est le sens de l’association, selon les critères vus plus haut, donné par le cabinet ? Quel est la personnalité des associés déjà en place et quelle dynamique se développera entre eux et vous ? 

La conclusion que vous tirez de ces questions doit vous permettre d’avoir en tête une feuille de route pour réussir cette association. Cette feuille de route va impliquer de détecter les étapes vous conduisant à la réussite, de détecter les efforts à fournir et de les confronter à vos leviers, contraintes et motivations. 

De toute cette analyse doit découler un plan d’action servant à jeter les solides bases de votre projet. 

Vous êtes sur la voie de l’association ? Nous vous souhaitons le meilleur… 

Pour aller plus loin

Comment évaluer une offre d’association dan un cabinet d’avocats ? – Fusacq

Conseils pour devenir associé cabinet d’avocats – Village Justice

Devenir associé : 5 erreurs à éviter – Lja

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